Mamadou Koulibaly: Après la réduction de l’effectif de la force Licorne, ce que doit faire la France

Publié le par Messeb

 lundi 2 février 2009 - Par Fraternité Matin

Au Cap, en 2008, le Président français s’était engagé à refonder les relations entre son pays et ceux du continent noir. Le dégraissage des effectifs de l’Armée d’occupation française de l’opération dite Licorne est un premier pas mineur vers la libération de notre continent. Mais il ne faut surtout pas oublier qu’à tout moment, la France a les moyens de déployer ses troupes partout, en Afrique. Et, qu’en outre, les troupes conduites par Binger ou par Angoulvant n’étaient pas pléthoriques. Les armées coloniales françaises trouvent toujours des supplétifs localement. Pour cela, leur nombre importe peu. Nous attendons en particulier que les autorités françaises nous parlent des modalités de dédommagement de l’Etat et des familles ivoiriennes à la suite de la destruction de nos avions et de certains de nos édifices publics, de l’assassinat de nombreuses personnes à Abidjan et à l’intérieur du pays et du pillage organisé par la puissante Licorne.
A mon avis, voilà la suite de l’agenda. Car, il faut noter au passage que l’Etat de Côte d’Ivoire a payé, et paye encore pour la réhabilitation des établissements français dont la destruction lui a été imputée sans preuve».
Ces propos sont du président de l’Assemblée nationale. Pour le Pr. Mamadou Koulibaly, le retrait d’une partie des soldats français ne peut faire oublier tous les drames, notamment ceux, mémorables et connus, de novembre 2004. Quel Ivoirien pourrait ne pas se souvenir de ce mois ensanglanté qui donna à voir le visage hideux de l’armée française engluée dans les contrevérités des dirigeants français?
Il a fallu attendre le 7 décembre 2004 pour que le ministre français de la Défense d’alors, Michèle Alliot-Marie, avoue: «D’après nos propres évaluations, l’action des troupes françaises a provoqué une vingtaine de morts ivoiriens».
Le 30 novembre, Reuters écrivait: «Une vingtaine d’Ivoiriens civils et militaires ont été tués par l’armée française lors des troubles du 6 au 9 novembre en Côte d’Ivoire, a indiqué mardi le ministère français de la Défense. Le nombre des blessés ivoiriens a été impossible à évaluer et environ 80 militaires français blessés ont dû être rapatriés, selon une estimation provisoire, a précisé un porte-parole. Des civils ivoiriens ont été tués les 7 et 8 novembre lorsque des troupes françaises redescendaient du nord du pays vers la capitale économique, ce qui a créé “de multiples situations de tension”.
Le bilan médical (basé sur la comptabilisation des blessés et corps reçus) de ce que Canal + Horizons a appelé «4 jours de feu sur Abidjan», les 6, 7, 8 et 9 novembre 2004 est: 2524 blessés dont 527 blessés par balles ou par engins explosifs. Et 62 décès.

AK


Le 43e Bima n’existe plus Paris. 28 janvier 2009. Au cours d’un débat parlementaire sur les «opérations extérieures», le Premier ministre français, François Fillon, annonce le retrait de 1.100 hommes des effectifs de l’opération Licorne. Il donne cette autre information: «L’Onu a entamé son désengagement par une diminution de ses effectifs et par un réexamen des mandats de l’Onuci où la France compte 200 soldats, principalement des troupes de génie, dont la mission peut être considérée comme achevée et qui, je vous l’annonce, rentreront en France cette année». Abidjan. 30 janvier. Le général Houbron, commandant de la Licorne, précise les modalités de réduction de la force française : l’achèvement du processus du départ des 1.100 hommes est fixé à la fin du mois de juin. Avant la fin de cette opération, le site français de Bouaké, qui compte actuellement 300 hommes, sera fermé en mars. En principe, depuis quelque temps, le 43ème Bima, en tant qu’entité autonome, héritier du 43ème Régiment d’infanterie colonial, créé en 1978, n’existe plus. Officiellement, il ne reste de la France militaire que la Licorne, qui est une force de réaction rapide dont la mission est de soutenir l’Onuci. L’histoire de cette opération commence dès le 22 septembre 2002, soit trois jours après l’attaque de la Côte d’Ivoire. Le Président Laurent Gbagbo demande l’application des Accords de défense passés le 24 avril 1961 entre la Côte d’Ivoire et la France. Le 43ème Bataillon d’infanterie marine (Bima) est renforcé par des éléments des forces françaises pré positionnées au Gabon, au Sénégal, à Djibouti et au Tchad, et la 11ème Bp. Le 1er octobre de cette année-là, un état-major tactique (Emt) est mis en place. Le 1er décembre, des affrontements meurtriers ont lieu entre militaires français et rebelles à Man. Les effectifs des soldats français passent à 2.500 hommes. C’est l’opération Licorne. Du nom de cet animal mythique ayant le corps et la tête de cheval, avec une corne torsadée unique au front, des sabots fourchus et une barbiche de chèvre. En 2004, le nombre des soldats passe à 4000 soldats. Puis est ramené à 2400 en 2007, et à 1800 en 2008. Avec la signature de l’Accord de Ouagadougou (le 4 mars 2007) qui consacre la stabilité de la Côte d’Ivoire, la France estime que le maintien de son dispositif en l’état ne se justifie plus. A la mi-2009, ce pays ne comptera plus que 900 soldats en terre ivoirienne. C’est que l’opération coûte très cher : environ 200 millions d’euros par an. Sans oublier que la France, depuis une dizaine d’années, est sur le front de 26 opérations terrestres et maritimes qui mobilisent plus de 13.000 hommes. La facture, indéniablement, est très lourde. Et la crise financière qui n’épargne aucun pays au monde impose forcément à chaque Etat de repenser ses priorités. Si la réduction des effectifs de l’opération Licorne est à mettre en rapport avec la situation stabilisée de la Côte d’Ivoire, il n’en demeure pas moins qu’elle s’inscrit dans le contexte de crise mondiale, mais surtout de révision de la politique africaine (cela s’impose) de la France. En effet, l’arrivée de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, sans avoir (encore) mis fin à «l’ancien modèle de relations entre la France et l’Afrique», annonce, tout de même, une ère nouvelle. Et le discours du Président français, le 28 février 2008, au Cap, en Afrique du Sud, dessine les contours de la nouvelle coopération France-Afrique (il ne s’agit plus de la Françafrique de ses prédécesseurs). «(…) J’ai appelé à de nombreuses reprises à l’établissement de nouvelles relations équilibrées, transparentes et décomplexées. Des relations qui se fondent sur les réalités contemporaines», a-t-il dit. L’actuel occupant de l’Elysée est clair: «La relation entre la France et l’Afrique ne peut plus être fondée sur des accords et sur des politiques qui sont des survivances d’une époque où le monde était bien différent de ce qu’il est aujourd’hui». Et de préciser: «Si la France veut refonder sa relation avec l’Afrique, elle doit commencer par reconnaître et assumer ses intérêts en Afrique». Dans sa vision refondatrice des relations entre la France et les pays africains, sa première proposition «porte sur les accords de défense (…) Ils doivent refléter l’Afrique d’aujourd’hui, et non pas l’Afrique d’hier. Ils doivent reposer sur les intérêts stratégiques de la France et de ses partenaires africains. Je ne dis pas qu’il faille nécessairement faire table rase et tout effacer d’un seul trait de plume. Mais je dis que la France souhaite engager des discussions avec tous les Etats africains concernés pour adapter les accords existants aux réalités du temps présent et en tenant le plus grand compte de leur propre volonté». Voilà qui est prometteur. Surtout que Sarkozy propose de refonder ces relations sur «le principe de la transparence». Que tout soit désormais clair!
Ce qui est déjà très clair, c’est que la France est, comme l’a dit Fillon le 28 janvier, «au cœur d’un rééquilibrage des pouvoirs opéré par la réforme constitutionnelle» (art. 35). Et ce rééquilibrage appelle un partage de la «responsabilité d’engager nos forces armées». Le Chef de l’Etat n’est donc plus le seul maître à bord dans la mise en place des opérations militaires françaises.
On se souvient qu’après les événements de novembre 2004, des députés français avaient demandé une enquête parlementaire. Cette demande s’est soldée par une fin de non-recevoir. Chirac était au pouvoir. Les interventions militaires françaises à l’étranger étaient son domaine réservé.

Agnès Kraidy



Option : La menace terroriste, la nouvelle donne

Le 28 février 2008, devant les députés sud-africains, au Cap, le Président Français Nicolas Sarkozy a tenu un discours iconoclaste et révolutionnaire sur les relations entre la France et l’Afrique: “Si la France veut refonder sa relation avec l’Afrique, la France doit commencer par reconnaître et assumer ses intérêts en Afrique”.
Cette refondation des relations France-Afrique basée sur la révision des accords de défense prouve bien que l’idée selon laquelle la France au 21e siècle ne serait rien sans l’Afrique montre ses limites.Il faut rechercher aux plans économique, géopolitique, stratégique et moral les fondements de cette nouvelle politique étrangère de la France. Qui refuse désormais le face à face sclérosant et onéreux avec l’Afrique et souhaite que l’Europe soit aux côtés de l’Union africaine pour parler de paix et de sécurité. Avec la fin de la guerre froide, à la suite de la chute du Mur de Berlin, les bases militaires en Afrique, symboles de puissance et de domination et qui sont des forces pré positionnées, ont-elles encore un sens?Aujourd’hui, les menaces ne sont plus à l’extérieur des frontières parce que les guerres interEtats ont reculé au profit des menaces intérieures, des guerres civiles et du terrorisme. Et pour faire face à cette nouvelle menace qui n’épargne personne, comme du temps de la guerre froide où une partie du monde se croyait en sécurité, il faut bien réorienter les missions des armées car les forces mixtes sont de plus en plus utiles pour faire face au terrorisme et aux nouvelles formes de violences. Dans le discours qu’il a prononcé le mardi 17 juin 2008 à Créteil, on a noté que le Président français Nicolas Sarkozy a présenté la nouvelle doctrine de défense de la France qui renforce le renseignement face au risque terroriste identifié comme la principale menace, et consacre son retour dans le commandement intégré de l’Otan. On relève que pour la première fois depuis des siècles, la France ne fonde pas sa politique de défense sur l’hypothèse d’un conflit majeur en Europe ; mais on note qu’il y a une sorte de basculement de la sécurité extérieure vers la sécurité intérieure. Sarkozy avait clairement indiqué que la France ne pouvait exclure la réapparition d’une menace majeure, de quelque nature qu’elle soit, qui mettrait en péril la survie même de la nation. Elle a donc besoin de ses forces car de nouveaux enjeux sécuritaires l’attendent ailleurs. La France, au nom des alliés des deux guerres mondiales, veut jouer un rôle de premier plan dans l’Otan qui subsiste malgré la disparition du Pacte de Varsovie qui avait justifié pendant la guerre froide, sa création.Il y a la sécurité de l’Europe et il n’est pas sûr que les Etats-Unis jouent les parapluies sécuritaires de tout temps. Avec le retour de la France dans le commandement intégré de l’Otan, un retour salué par les Etats-Unis en son temps, il faut éviter que l’Allemagne, déjà puissance économique et potentielle puissance nucléaire, ne devienne une puissance militaire qui joue les premiers rôles dans la construction de la sécurité de l’Europe. Par crainte avec cette militarisation, du retour de l’histoire.

par Franck A. zagbayou



Voici les Accords de défense signés en 1961

L’Accord particulier portant transfert des compétences de la Communauté à la République de Côte d’Ivoire.
Le gouvernement de la République de Côte d’Ivoire d’une part,
Le gouvernement de la République française d’autre part, sont convenus de ce qui suit:
Article premier - La République de Côte d’Ivoire accède, en plein accord et amitié avec la République française à la souveraineté internationale et à l’indépendance par le transfert des compétences de la communauté.
Art. 2- Toutes les compétences instituées par l’article 78 de la Constitution du 4 Octobre 1958 sont, pour ce qui la concerne, transférées à la République de Côte d’Ivoire, dès l’accomplissement par les parties contractantes de la procédure prévue à l’article 87 de ladite constitution.

Fait à Paris, le 11 juillet 1960

Félix Houphouet-Boigny
Michel DEBRE
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